TRIPTYCH - ANACHRONISME D’HIER ET D’AUJOURD'HUI pAr jean pronovost
Ce triptyque allégorique des plus fabuleux renferme une symbolique de la mythologie antique qui véhicule à notre monde le message suivant : notre désir de maintenir et d’accroître notre pouvoir nous incite à user d’une grande violence. D’ailleurs, le titre rend tout à fait justice à l’élégance de cette œuvre riche de significations. Il évoque le fait que, aussi sophistiquées que soient nos technologies et nos armes modernes, nous n’avons pas encore appris à tirer des leçons du passé.
L’arrière-plan du triptyque est composé d’éléments contemporains comme des gratte-ciels, le mont Rushmore et de majestueuses montagnes encore intactes, ainsi que d’éléments architecturaux excentriques du passé, notamment la ziggourat d’Ur. Cette juxtaposition constitue un exemple d’anachronisme, qui nous montre habilement ce qui est advenu des grandes civilisations innovatrices du passé : elles ont dépéri pour ensuite s’effondrer. Par contraste, les éléments naturels partageant l’arrière-plan ont un aspect pittoresque et semblent exister en toute sérénité. Qu’il s’agisse d’éléments célestes comme le ciel bleu ou les nuages blancs, ou bien d’éléments terrestres comme les sables désertiques, ils coexistent tous dans une harmonie émouvante. Les montagnes, elles, inspirent l’être humain et ses ancêtres depuis longtemps : on construit des temples et des tours dans le but de tendre toujours plus vers les dieux et le monde céleste.
Si l’on s’attarde au plan intermédiaire, on sent la scène et l’ambiance prendre un autre tournant. Le sol est parsemé des ruines d’anciennes cités et des débris encore fumants du World Trade Center dans la foulée des attentats du 11 septembre. Et juste devant ces derniers, d’autres débris s’amoncellent : voitures brûlées, machines de tout type, métal tordu et fragments de bâtiments. On voit bien que la guerre, la soif de pouvoir et l’avarice ont fait des dégâts, et que le bilan est aussi lourd à notre époque qu’il le fut autrefois : mort, destruction, chaos et violence à souhait. En réalité, rien n’a vraiment changé depuis lors, dans la mesure où, qu’il s’agisse des anciens peuples mésopotamiens ou des États-Unis d’aujourd’hui, la soif de pouvoir est encore à l’origine de guerres. Autrement dit, les leçons de l’Histoire tombent encore et toujours dans l’oreille d’un sourd.
Au premier plan du triptyque se trouvent des dieux zoomorphes. Dans les volets latéraux gauche et droit figurent 2 dieux mi-humains, mi-lions en plein combat. La tête et les pattes de lion symbolisent la force, tandis que les attributs humains de ces dieux symbolisent les êtres vivants. Ils tiennent chacun un sceptre et brandissent une dague, symboles de pouvoir et de violence. Jeunes, forts et d’un esprit conquérant, ces dieux sans scrupules s’affrontent dans un combat sans merci qui fera non seulement garder possession de ses terres au vainqueur, mais lui donnera aussi l’occasion de s’en emparer d’autres. Ces dieux, ils sont faits à notre image. Derrière ces combattants zoomorphes gisent les ruines de leurs civilisations, disparues à force de conquêtes et de guerres.
Mais dans le panneau central, deux divinités d’un autre type sont représentées. Elles sont mi-humaines par leur corps et mi-aquilines par leur tête et leurs ailes. L’aigle symbolisant la sagesse et la connaissance supérieures, on voit les deux divinités cueillir ensemble les fruits de l’arbre sacré et l’arroser au lieu de s’affronter. Elles se partagent les ressources naturelles et prennent soin de l’environnement. Ces divinités zoomorphes vivent dans la fraternité et en harmonie avec leur environnement, même s’il est dévasté par la guerre. Elles nous montrent qu’il est possible de nous élever au-delà de notre nature animale, et donc que nous pouvons être plus grands que nous le sommes ou l’avons été jusqu’à présent.