Un paysage irréel à prédominance de verts et de gris, une représentation d’une désolation interrompue par de soudains éclats de flammes orange vif. Prométhée déchaîné au pays de la prospérité porcine ! Cette friche dystopique, sombre et troublante pourrait-elle vraiment être une terre promise? Qui l’a promise et, plus important encore, pourquoi? Ce monde apparaît comme une vision onirique orwellienne, mais est-ce un futur lointain post-apocalyptique ou est-ce celui que nous occupons ici et maintenant ? Cette peinture vous confronte à des questions difficiles qui traversent le cœur de l’existence telle que nous la vivons – comme un boucher pointant son couteau tranchant sur nos longes. Demandez-vous : Sommes-nous les cochons qui se gavent sans relâche à la table du banquet de la terre, traitant sa belle générosité comme une auge disponible à volonté, ou sommes-nous des invités reconnaissants qui partagent le repas, distribuent la sauce et disent s’il vous plaît ?

Si nous permettons à nos yeux de parcourir cette œuvre, elle nous révèlera qu’une seule route s’offre à nous, et à quel point est pittoresque ce chemin vers le paradis. Nul doute qu’il doit déboucher sur de verts pâturages et des champs fleuris sous le soleil et le ciel bleu ! Concentrez-vous fermement sur ce rêve et l’illusion prendra forme! En vous promenant le long de ce sentier sinueux à travers la terre promise, vous rencontrez un adorable charognard tenant fermement la tête d’un cochon décapité entre son bec et aussi la figure d’un homme-porc vous saluant avec des grognements. Est-ce le signe d’une coexistence pacifique ou la prédiction d’un futur où nous serons le festin de la nature ? Difficile à dire, mais un conseil ; ne restez pas pour le souper! Le gros cochon à l’extrême droite tient une bouteille dans une main et un bâton enlacé d’un serpent dans l’autre: est-ce là le symbole de la médecine ou de l’argent ? A-t-il pour but de signifier la guérison ou représente-t-il seulement les intérêts de l’industrie pharmaceutique? La réponse à ce problème ne se laisse pas trouver aisément ! Derrière lui semble apparaître une caverne inquiétante: un sanctuaire peu accueillant et totalement inaccessible. Quel réconfort trouvons-nous enfin dans ce paradis ! Pénétrer dans cette grotte ombragée fait naître en nous des sentiments de peur, tout comme la seule pensée de se laisser glisser dans les profondeurs occultes de notre esprit. Est-il possible d’oser imaginer les monstres qui s’y cachent?

Au bout de ce chemin imaginaire, nous voyons un gratte-ciel moderne s’effondrer sous la puissance des battements d’ailes d’une chauve-souris qui le domine. Les ruines de cette tour ont éclaté dans le ciel en formant un énorme nuage de débris pareil à un champignon, laquelle s’est transfigurée avec les ailes mêmes qui l’ont écrasée. Oh, comme la puissante humanité s’effondre et suffoque devant cet insignifiant mammifère volant ! Ce pollinisateur nocturne que l’on pense être un pestiféré malveillant était, pour les anciens, une divinité bienveillante symbolisant l’obscurité nécessaire à toute vie sous le soleil. Est-elle vraiment venue pour nous perdre ou est-elle plutôt le signe du dérèglement de la nature?

Juste en dessous de la frénésie métamorphique de la chauve-souris, de la construction et du ciel, se trouve une chaîne de montagnes mythiques, soumise à une fluxion constante de roche fluide et de liquide solide. Rayonnant d’une énergie mystérieuse et ancienne à travers le paysage transsubstantiel, elles font allusion aux nombreuses énigmes fantastiques de ce monde que nous devons encore essayer de comprendre ! Ces élévations monolithiques sont perpétuellement présentes par opposition au visage éphémère de nos tours et de nos maisons de ville. Niché presque invisible parmi ces formations préhistoriques, solitaire et complètement imperturbable, se tient, immobile, le gardien du temps qui a été le témoin indifférent de l’aveuglement de cette danse. Que ce soit dans une valse de la vie ou un tango de la mort, nous conquérons en souriant et avec une vitalité vicieuse la piste de danse jusqu’à ce que le chef d’orchestre commande la dernière note.